jeudi 13 mars 2014

Yaya*

*mamie en catalan.



       J’ai eu longtemps ma yaya. Elle était là à ma naissance. J’ai été là pour son départ… On ne se comprenait pas toujours, mais elle avait la peau toujours très douce. C’est absurde comme souvenir, pourtant c’est celui que j’aime le plus. Quand elle est partie, nous étions trois à son chevet. Sa fille (ma mère), et deux de ses petites filles (ma cousine et moi).

        Lorsque son dernier soupir est arrivé, je tenais sa main familière, chaude, douce, si douce… dans ma main à moi… Je me souviens avoir senti ses doigts perdre « quelque chose ». Puis du bip atroce de la machine, et ma mère, redevenue petite fille, hurlant « mamà… mamà… » Ces cris sont gravés en moi… Cet instant est le plus bouleversant que j’ai vécu, pourtant, je ne l’échangerais pour rien au monde…

        Parce qu’à cet instant, j’étais heureuse d’être là, malgré tout, lui montrer à elle, ma yaya, que je l’aimais fort, très fort (malgré son coma je reste persuadée qu’elle entendait car son visage et ses muscles changeaient quand on lui parlait), que nos différends ne comptaient pas, qu’elle était yaya, ma yaya pour toujours…

        J’ai été heureuse de venir au secours de ma maman, de lui donner mes bras, de partir en furie chercher quelqu’un pour stopper ce foutu bip qui nous brisait un peu plus le cœur… J’ai été heureuse de comprendre combien une maman est importante, heureuse aussi lorsqu’en quittant l’hôpital, les feux d’artifices ont retenti au loin. Yaya aurait adoré se dire qu’on les tirait pour elle…

       Ces heures ont été atrocement douloureuses, mais avec le temps, j’ai compris leur impact positif sur moi, j’ai compris pourquoi j’étais heureuse d’être arrivée à temps, d’avoir pu lui dire au revoir…


        Lorsque j’ai été enceinte pour la première fois, quelques années plus tard, j’ai un jour pris mon courage à deux mains… J’ai appelé ma mère et lui ai posé cette question qui me perturbait :

   « Maman, dis, tu veux t’appeler comment pour mon bébé? »

Hésitations, petit trémolo :
   « Comme tu voudras ma fille. Peu importe la façon, je serai heureuse quand même…
   « Est-ce qu’elle pourra t’appeler « yaya » ? »

Silence. Larmes contenues. Fierté.
   « Oui, bien sûr… »


        Cette minute de bonheur ressemble à une histoire triste. Mais il n’en est rien… Certes, ses racines se fondent avec un vécu douloureux, mais… A mes yeux, ceux de ma maman, cette demande a été une vraie minute de bonheur.

       Ma mère connaissait l’importance de « ma yaya » pour moi. Avec cette simple question, je lui ai simplement transmis le flambeau, je lui ai donné la chance d’être la yaya de mes enfants, d’être la femme à la peau douce, d’être le lien vers nos racines dans un autre pays.


       J’ai reconduit l’histoire, prolongé le temps, et offert à ma mère de devenir pour ma famille cet être si important qu’aura été Yaya…




[ C'était ma participation à 30 jours & 1 minute de Bonheur, sur le thème des Mamies ]
[ AngelBlogue & Maman pouponne ]

2 commentaires:

  1. Coucou ma belle tu sais ce que j'en pense ... Un bel hommage et une magnifique participation .. merciiii encore <3 Je rajoute ton billet aux participante , bisous

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  2. C'est un cap d'avoir posté ça ! Je ne voulais pas que cela soit triste, juste la Vie, comme elle est, avec ses petits bonheurs au milieu...
    Merci Angel ^^ (et avec plaisir!)

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